Rousseau : Peut-on volontairement devenir esclave ?

Dire qu’un homme se donne gratuitement, c’est dire une chose absurde et inconcevable ; un tel acte est illégitime et nul, par cela seul que celui qui le fait n’est pas dans son bon sens. Dire la même chose de tout un peuple, c’est supposer un peuple de fous : la folie ne fait pas droit.

Quand chacun pourrait s’aliéner lui-même, il ne peut aliéner ses enfants ; ils naissent hommes et libres ; leur liberté leur appartient, nul n’a droit d’en disposer qu’eux.                Avant qu’ils soient en âge de raison le père peut en leur nom stipuler des conditions pour leur conservation, pour leur bien-être ; mais non les donner irrévocablement et sans condition ; car un tel don est contraire aux fins de la nature et passe les droits de la paternité. Il faudrait donc pour qu’un gouvernement arbitraire fut légitime qu’à chaque génération le peuple fût le maître de l’admettre ou de le rejeter : mais alors ce gouvernement ne serait plus arbitraire.

Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme, aux droits de l’humanité, même à ses devoirs. Il n’y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l’homme, et c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à sa volonté. Enfin c’est une convention vaine et contradictoire de stipuler d’une part une autorité absolue et de l’autre une obéissance sans bornes. N’est-il pas clair qu’on n’est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger, et cette seule condition, sans équivalent, sans échange n’entraîne-t-elle pas la nullité de l’acte ? Car quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu’il a m’appartient, et que son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n’a aucun sens ?

ROUSSEAU, Du Contrat social (1762), I, chapitre 4 “De l’esclavage” §§4-6

Questions :

  1. Quel argument juridique Rousseau emploie-t-il au sujet de la folie dans le 1er paragraphe ? Expliquez.

  2. D’après le 2e paragraphe, les parents sont-ils responsables de la vie et de la liberté de leurs enfants ? Expliquez.
  3. Expliquez : « c’est ôter toute moralité à ses actions que d’ôter toute liberté à leur volonté » (à l’aide d’un exemple).

  4. Quelle critique Rousseau adresse-t-il au contrat maître / esclave ?

Une explication orale proposée par Margaux, Kendra et Camille (TL, 2017) :

Une autre explication orale proposée par Paloma, Morgane & Yanis (TL, 2018) :

 

Pour approfondir :

Rousseau : Le droit peut-il être fondé sur la force ?

Le plus fort n’est jamais assez fort pour être toujours le maître, s’il ne transforme sa force  en droit et l’obéissance en devoir. De là le droit du plus fort ; droit pris ironiquement en apparence, et réellement établi en principe : Mais ne nous expliquera-t-on jamais ce mot ? La force est une puissance physique ; je ne vois point quelle moralité peut résulter de ses effets. Céder à la force est un acte de nécessité, non de volonté ; c’est tout au plus un acte de prudence. En quel sens pourra-ce être un devoir ?

Supposons un moment ce prétendu droit. Je dis qu’il n’en résulte qu’un galimatias inexplicable. Car sitôt que c’est la force qui fait le droit, l’effet change avec la cause ; toute force qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu’on peut désobéir impunément on le peut légitimement, et puisque le plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte  qu’on soit le plus fort. Or qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse ? S’il faut obéir par force on n’a pas besoin d’obéir par devoir, et si l’on n’est plus forcé d’obéir on n’y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n’ajoute rien à la force ; il ne signifie ici rien du tout.

Obéissez aux puissances*. Si cela veut dire, cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu, je réponds qu’il ne sera jamais violé. Toute puissance vient de Dieu, je l’avoue ; mais toute maladie en vient aussi. Est-ce à dire qu’il soit défendu d’appeler le médecin ?   Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois : non seulement il faut par force donner la bourse, mais quand je pourrais la soustraire suis-je en conscience obligé de la donner ?  car enfin le pistolet qu’il tient est aussi une puissance.

Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.

ROUSSEAU, Du Contrat social (1762), I, chapitre 3 “Du droit du plus fort”

* “obéissez aux puissances” : Rousseau cite ici Paul dans la Bible :

“Que toute personne soit soumise aux autorités supérieures ; car il n’y a point d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées de Dieu. C’est pourquoi celui qui s’oppose à l’autorité résiste à l’ordre que Dieu a établi”

Paul, Epître aux Romains, 13:1

Le texte lu :

Questions :

  1. Quel problème Rousseau pose-t-il à propos de l’expression « droit du plus fort » ? Expliquez.

  2. Quel type de raisonnement Rousseau utilise-t-il dans le 2e paragraphe ? Reconstituez-le.

  3. Un coup d’Etat est-il légal ? est-il légitime ? Justifiez.

  4. Rousseau veut-il justifier cette phrase « obéissez aux puissances » ? Expliquez.

Une explication orale proposée par Kévin et Guillaume (TL, février 2017) :

Une autre explication orale proposée par Emma, Bénédicte, Emilie & Hugo (TL, 2018) :

Troisième partie

Supposons un moment ce prétendu droit. Je dis qu’il n’en résulte qu’un galimatias inexplicable. Car sitôt que c’est la force qui fait le droit, l’effet change avec la cause ; toute force qui surmonte la première succède à son droit. Sitôt qu’on peut désobéir impunément on le peut légitimement, et puisque le plus fort a toujours raison, il ne s’agit que de faire en sorte  qu’on soit le plus fort. Or qu’est-ce qu’un droit qui périt quand la force cesse ? S’il faut obéir par force on n’a pas besoin d’obéir par devoir, et si l’on n’est plus forcé d’obéir on n’y est plus obligé. On voit donc que ce mot de droit n’ajoute rien à la force ; il ne signifie ici rien du tout.

Quatrième partie

Obéissez aux puissances. Si cela veut dire, cédez à la force, le précepte est bon, mais superflu, je réponds qu’il ne sera jamais violé. Toute puissance vient de Dieu, je l’avoue ; mais toute maladie en vient aussi. Est-ce à dire qu’il soit défendu d’appeler le médecin ?

Cinquième partie

Qu’un brigand me surprenne au coin d’un bois : non seulement il faut par force donner la bourse, mais quand je pourrais la soustraire suis-je en conscience obligé de la donner ?  car enfin le pistolet qu’il tient est aussi une puissance.

Convenons donc que force ne fait pas droit, et qu’on n’est obligé d’obéir qu’aux puissances légitimes.

SYNTHÈSE

Après avoir répondu à toutes ces questions, rédigez une synthèse du texte :

  • Quelle idée reçue Rousseau remet-il en question dans ce texte ?
  • Formulez la question que se pose Rousseau dans ce texte
  • Formulez la thèse que soutient Rousseau
  • Proposez un découpage du texte en plusieurs moments
  • Quelle objection pourrait-on adresser à Rousseau ?

 

Rousseau : La famille est-elle la société idéale ?

La plus ancienne de toutes les sociétés et la seule naturelle est celle de la famille. Encore les enfants ne restent-ils liés au père qu’aussi longtemps qu’ils ont besoin de lui pour se conserver. Sitôt que ce besoin cesse, le lien naturel se dissout. Les enfants, exempts de l’obéissance qu’ils devaient au père, le père exempt des soins qu’il devait aux enfants, rentrent tous également dans l’indépendance. S’ils continuent de rester unis ce n’est plus naturellement, c’est volontairement, et la famille elle-même ne se maintient que par convention.

Cette liberté commune est une conséquence de la nature de l’homme. Sa première loi est de veiller à sa propre conservation, ses premiers soins sont ceux qu’il se doit à lui-même, et, sitôt qu’il est en âge de raison, lui seul étant juge des moyens propres à se conserver devient par là son propre maître.

La famille est donc si l’on veut le premier modèle des sociétés politiques ; le chef est l’image du père, le peuple est l’image des enfants, et tous étant nés égaux et libres n’aliènent leur liberté que pour leur utilité. Toute la différence est que dans la famille l’amour du père pour ses enfants le paye des soins qu’il leur rend, et que dans l’Etat le plaisir de commander supplée à cet amour que le chef n’a pas pour ses peuples.

ROUSSEAU, Du Contrat social (1762), I, chapitre 2 “Des premières sociétés”

Questions : 

  1. La famille est-elle toujours une société naturelle ? Expliquez.

  2. Les enfants peuvent-ils être maîtres d’eux-mêmes ? Expliquez.

  3. Quel type de raisonnement Rousseau utilise-t-il ici ? Quelles en sont les limites ? Expliquez pourquoi Rousseau emploie l’expression « si l’on veut ».

Une explication orale proposée par Luana, Eloïse, Elisa et Kerene (février 2017) :

Une autre explication orale proposée par Orlanne, Ivo, Claire et Lea (TL, 2018) :

Freud : A-t-on de bonnes raisons de critiquer la psychanalyse ?

Je ne sais si vous avez eu l’impression que la technique dont je viens de vous décrire l’arsenal est particulièrement difficile. Je crois qu’elle est tout à fait appropriée à son objet. Pourtant, cette technique n’est pas évidente d’elle-même ; elle doit être enseignée, comme la méthode histologique ou chirur­gicale. Vous serez peut-être étonnés d’apprendre que nous l’avons entendu juger par une quantité de personnes qui ne savent rien de la psychanalyse, qui ne l’emploient pas et qui poussent l’ironie jusqu’à exiger que nous leur prou­vions l’exactitude de nos résultats. Il y a certainement, parmi ces adversaires, des gens qui ont l’habitude de la pensée scientifique ; qui, par exemple, ne repousseraient pas les conclusions d’une recherche au microscope parce qu’on ne pourrait pas les confirmer en examinant la préparation anatomique à l’œil nu, et qui, en tout cas, ne se prononceraient pas avant d’avoir considéré eux-mêmes la chose au moyen du microscope. Mais la psychanalyse, il est vrai, est dans une situation spéciale, qui lui rend plus difficile d’obtenir l’approba­tion. Que veut le psychanalyste, en effet ? Ramener à la surface de la con­science tout ce qui en a été refoulé. Or, chacun de nous a refoulé beaucoup de choses que nous maintenons peut-être avec peine dans notre inconscient. La psychanalyse provoque donc, chez ceux qui en entendent parler, la même résistance qu’elle provoque chez les malades. C’est de là que vient sans doute l’opposition si vive, si instinctive, que notre discipline a le don d’exciter. Cette résistance prend du reste le masque de l’opposition intellectuelle et enfante des arguments analogues à ceux que nous écartons chez nos malades au moyen de la règle psychanalytique fondamentale. Tout comme chez eux, nous pouvons aussi constater chez nos adversaires que leur jugement se laisse fréquemment influencer par des motifs affectifs, d’où leur tendance à la sévérité. La vanité de la conscience, qui repousse si dédaigneusement le rêve par exemple, est un des obstacles les plus sérieux à la pénétration des com­plexes inconscients ; c’est pourquoi il est si difficile de persuader les hommes de la réalité de l’inconscient et de leur enseigner une nouveauté qui contredit les notions dont s’est accommodée leur conscience.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §27

Questions :

  • Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il à propos du microscope ? Reconstituez-le. (§27 l.6-10)
  • Selon Freud, la psychanalyse est-elle une science comme les autres ? (§27 l.10-15)
  • Peut-on avoir de bonnes raisons de critiquer la psychanalyse ? Expliquez le paradoxe. (§27 l.15-20)
  • Que faut-il entendre par “la vanité de la conscience” ? Reformulez l’idée. (§27 l.20)
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Elise & Esther (TL, 2017) :

 

Une explication orale proposée par Lola, Valérie & Lucas (TESL, 2018) :

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Freud : Nos actes manqués n’ont-ils aucun sens ?

[23] Il est facile de voir que l’interprétation des rêves, quand elle n’est pas rendue trop pénible par les résistances du malade, conduit à découvrir les désirs cachés et refoulés, ainsi que les complexes qu’ils entretiennent. Je peux donc passer au troisième groupe de phénomènes psychiques dont tire parti la technique psychanalytique.

[24] Ce sont tous ces actes innombrables de la vie quotidienne, que l’on rencontre aussi bien chez les individus normaux que chez les névrosés et qui se caractérisent par le fait qu’ils manquent leur but : on pourrait les grouper sous le nom d’actes manqués. D’ordinaire, on ne leur accorde aucune importance. Ce sont des oublis inexplicables (par exemple l’oubli momentané des noms propres), les lapsus linguae, les lapsus calami, les erreurs de lecture, les maladresses, la perte ou le bris d’objets, etc., toutes choses auxquelles on n’attribue ordinairement aucune cause psychologique et qu’on considère simplement comme des résultats du hasard, des produits de la distraction, de l’inattention, etc. A cela s’ajoutent encore les actes et les gestes que les hommes accomplissent sans les remarquer et à plus forte raison, sans y attacher d’importance psychique : jouer machinalement avec des objets, fredonner des mélodies, tripoter ses doigts, ses vêtements, etc. Ces petits faits, les actes manqués, comme les actes symptomatiques et les actes de hasard, ne sont pas si dépourvus d’importance qu’on est disposé à l’admettre en vertu d’une sorte d’accord tacite. Ils ont un sens et sont, la plupart du temps, faciles à interpréter. On découvre alors qu’ils expriment, eux aussi, des pulsions et des intentions que l’on veut cacher à sa propre conscience et qu’ils ont leur source dans des désirs et des complexes refoulés, semblables à ceux des symptômes et des rêves. Considérons-les donc comme des symptômes ; leur examen attentif peut conduire à mieux connaître notre vie intérieure. C’est par eux que l’homme trahit le plus souvent ses secrets les plus intimes. S’ils sont habituels et fréquents, même chez les gens sains qui ont réussi à refouler leurs tendances inconscientes, cela tient à leur futilité et à leur peu d’apparence. Mais leur valeur théorique est grande, puisqu’ils nous prouvent l’existence du refoulement et des substituts, même chez des personnes bien portantes.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§23-24

Questions :

  • Que prouve l’interprétation des rêves selon Freud ? Expliquez. (§23)
  • D’ordinaire, on n’accorde aucune importance aux actes manqués, soit pour une mauvaise raison, soit pour une bonne raison : lesquelles? Expliquez à l’aide d’un exemple. (§24)
  • Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il ici ? Reconstituez-le. (§24 l.15-16)
  • Pourquoi l’existence d’actes manqués est-elle une meilleure preuve que celle de l’hystérie ? Expliquez. (§24)
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Emma, Emilie et Cléa (TL, 2017)

 

Une explication orale proposée par Ksénia, Sarah & Mélisa (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Freud : Sommes-nous capables d’interpréter nos propres rêves ?

[§14] D’ordinaire, quand nous sommes éveillés, nous traitons les rêves avec un mépris égal a celui que le malade éprouve à l’égard des idées spontanées que le psychanalyste suscite en lui, Nous les vouons à un oubli rapide et complet, comme si nous voulions nous débarrasser au plus vite de cet amas d’inco­hérences. Notre mépris vient du caractère étrange que revêtent, non seulement les rêves absurdes et stupides, mais aussi ceux qui ne le sont pas. Notre répu­gnance à nous intéresser à nos rêves s’explique par les tendances impudiques et immorales qui se manifestent ouvertement dans certains d’entre eux. – L’antiquité, on le sait, n’a pas partagé ce mépris, et aujourd’hui encore le bas peuple reste curieux des rêves auxquels il demande, comme les Anciens, la révélation de l’avenir.

[§15] Je m’empresse de vous assurer que je ne vais pas faire appel à des croyan­ces mystiques pour éclairer la question du rêve; je n’ai du reste jamais rien constaté qui confirme la valeur prophétique d’un songe. Cela n’empêche pas qu’une étude du rêve nous réservera de nombreuses surprises.

[§16] D’abord, tous les rêves ne sont pas étrangers au rêveur, incompréhensibles et confus pour lui. Si vous vous donnez la peine d’examiner ceux des petits enfants, à partir d’un an et demi, vous les trouvez très simples et facilement explicables. Le petit enfant rêve toujours de la réalisation de désirs que le jour précédent a fait naître en lui, sans les satisfaire. Aucun art divinatoire n’est nécessaire pour trouver cette simple solution ; il suffit seulement de savoir ce que l’enfant a vécu le jour précédent. Nous aurions une solution satisfaisante de l’énigme si l’on démontrait que les rêves des adultes ne sont, comme ceux des enfants, que l’accomplissement de désirs de la veille. Or c’est bien là ce qui se passe. Les objections que soulève cette manière de voir disparaissent devant une analyse plus approfondie.

[§17] Voici la première de ces objections : les rêves des adultes sont le plus souvent incompréhensibles et ne ressemblent guère à la réalisation d’un désir. – Mais, répondons-nous, c’est qu’ils ont subi une défiguration, un déguisement. Leur origine psychique est très différente de leur expression dernière. Il nous faut donc distinguer deux choses : d’une part, le rêve tel qu’il nous apparaît, tel que nous l’évoquons le matin, vague au point que nous avons souvent de la peine à le raconter, à le traduire en mots ; c’est ce que nous appellerons le con­tenu manifeste du rêve. D’autre part, nous avons l’ensemble des idées oniri­ques latentes, que nous supposons présider au rêve du fond même de l’incon­scient. Ce processus de défiguration est le même que celui qui préside à la naissance des symptômes hystériques. La formation des rêves résulte donc du même contraste des forces psychiques que dans la formation des symptômes. Le « contenu manifeste » du rêve est le substitut altéré des « idées oniriques latentes » et cette altération est l’œuvre d’un « moi » qui se défend ; elle naît de résistances qui interdisent absolument aux désirs inconscients d’entrer dans la conscience à l’état de veille ; mais, dans l’affaiblissement du sommeil, ces forces ont encore assez de puissance pour imposer du moins aux désirs un masque qui les cache. Le rêveur ne déchiffre pas plus le sens de ses rêves que l’hystérique ne pénètre la signification de ses symptômes.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§14-17

Questions :

  • Selon Freud, avons-nous de bonnes raisons de ne pas prendre nos rêves au sérieux ? Justifiez. (§14)
  • Que prouvent les rêves d’enfants ? Expliquez à l’aide d’un exemple. (§16)
  • Reconstituez les étapes de la formation d’un rêve chez l’adulte. (§17)
  • Quel type de raisonnement conclut le texte ? Expliquez. (§17)
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Laurie, Lola & Camille (TL, 2017)

 

Une explication orale proposée par Pauline, Maëva & Léa (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Freud : est-il facile de dire tout ce qui nous vient à l’esprit ?

[§7] Si, pour rechercher un complexe refoulé, nous partons des souvenirs que le malade possède encore, nous pouvons donc y parvenir, à condition qu’il nous apporte un nombre suffisant d’associations libres. Nous laissons parler le malade comme il lui plaît, conformément à notre hypothèse d’après laquelle rien ne peut lui venir à l’esprit qui ne dépende indirectement du complexe recherché. Cette méthode pour découvrir les éléments refoulés vous semble peut-être pénible; je puis cependant vous assurer que c’est la seule praticable.

[§8] Il arrive parfois qu’elle semble échouer : le malade s’arrête brusquement, hésite et prétend n’avoir rien à dire, qu’il ne lui vient absolument rien à l’esprit. S’il en était réellement ainsi, notre procédé serait inapplicable. Mais une observation minutieuse montre qu’un tel arrêt des associations libres ne se présente jamais. Elles paraissent suspendues parce que le malade retient ou supprime l’idée qu’il vient d’avoir, sous l’influence de résistances revêtant la forme de jugements critiques. On évite cette difficulté en avertissant le mala­de à l’avance et en exigeant qu’il ne tienne aucun compte de cette critique. Il faut qu’il renonce complètement à tout choix de ce genre et qu’il dise tout ce qui lui vient à l’esprit, même s’il pense que c’est inexact, hors de la question, stupide même, et surtout s’il lui est désagréable que sa pensée s’arrête à une telle idée. S’il se soumet à ces règles, il nous procurera les associations libres qui nous mettront sur les traces du complexe refoulé.

[§9] Ces idées spontanées que le malade repousse comme insignifiantes, s’il résiste au lieu de céder au médecin, représentent en quelque sorte, pour le psychanalyste, le minerai dont il extraira le métal précieux par de simples artifices d’interprétation.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§7-9

Questions :

  • Comparez la nouvelle méthode utilisée par Freud avec l’hypnose. Laquelle est la meilleure ? Justifiez. (§7)
  • Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il ici ? Reconstituez-le. (§8 l.2-3)
  • Selon Freud, sommes-nous libres de dire tout ce que nous pensons ? Expliquez. (§8 l.5-9)
  • Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il ici ? Reconstituez-le. (§9)
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Morgane, Nicolas et Juliette (TL, 2017)

Une explication orale proposée par Laura, Lori Ann & Johanna (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Freud : nos idées surgissent-elles au hasard ?

Je vous avais dit que lorsque, renonçant à l’hypnose, on cherchait à réveiller les souvenirs que le sujet pouvait avoir de l’origine de sa maladie, en lui demandant de dire ce qui lui venait à l’esprit, la première idée qui surgis­sait se rapportait à ces premiers souvenirs. Ce n’est pas toujours exact. Je n’ai présenté la chose aussi simplement que pour être bref. En réalité, les pre­mières fois seulement, une simple insistance, une pression de ma part suffisait pour faire apparaître l’événement oublié. Si l’on persistait dans ce procédé, des idées surgissaient bien, mais il était fort douteux qu’elles correspondent réelle­ment à l’événement recherché : elles semblaient n’avoir aucun rapport avec lui, et d’ailleurs les malades eux-mêmes les rejetaient comme inadéquates. La pression n’était plus d’aucun secours et l’on pouvait regretter d’avoir renoncé à l’hypnose.

Incapable d’en sortir, je m’accrochai à un principe dont la légitimité scientifique a été démontrée plus tard par mon ami C.-G. Jung et ses élèves à Zurich. (Il est parfois bien précieux d’avoir des principes!) C’est celui du déterminisme psychique, en la rigueur duquel j’avais la foi la plus absolue. Je ne pouvais pas me figurer qu’une idée surgissant spontanément dans la con­science d’un malade, surtout une idée éveillée par la concentration de son attention, pût être tout à fait arbitraire et sans rapport avec la représentation oubliée que nous voulions retrouver. Quelle ne lui fût pas identique, cela s’expliquait par l’état psychologique supposé. Deux forces agissaient l’une contre l’autre dans le malade ; d’abord son effort réfléchi pour ramener à la conscience les choses oubliées, mais latentes dans son inconscient ; d’autre part la résistance que je vous ai décrite et qui s’oppose au passage à la con­science des éléments refoulés. Si cette résistance est nulle ou très faible, la chose oubliée devient consciente sans se déformer ; on était donc autorisé à admettre que la déformation de l’objet recherché serait d’autant plus grande que l’opposition à son arrivée à la conscience serait plus forte. L’idée qui se présentait à l’esprit du malade à la place de celle qu’on cherchait à rappeler avait donc elle-même la valeur d’un symptôme. C’était un substitut nouveau, artificiel et éphémère de la chose refoulée et qui lui ressemblait d’autant moins que sa déformation, sous l’influence de la résistance, avait été plus grande. Pourtant, il devait y avoir une certaine similitude avec la chose recherchée, puisque c’était un symptôme et, si la résistance n’était pas trop intense, il devait être possible de deviner, au moyen des idées spontanées, l’inconnu qui se dérobait. L’idée surgissant dans l’esprit du malade est, par rapport à l’élément refoulé, comme une allusion, comme une traduction de celui-ci dans un autre langage.

FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §§1-2

Questions :

  • Quelles méthodes Freud préfère-t-il abandonner ? Justifiez son choix. (§1)
  • Expliquez le principe théorique auquel Freud fait appel à l’aide d’un exemple (§2)
  • Quand l’esprit évoque une idée refoulée, quel conflit a lieu ? Reconstituez les étapes.
  • Quel type de raisonnement conclut le texte ? Expliquez.
  • Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.

Une synthèse orale proposée par Orlanne, Ivo, Claire et Lea (TL, 2017)

Une explication orale proposée par Emeline, Emilie & Mandy (TESL, 2018)

Suite de la conférence de Freud

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Gabriel : Le monde existe-il ?

Tout ce qui existe, existe dans le monde, parce que le monde est précisément le domaine dans lequel tout arrive. En-dehors du monde, il n’y a rien. Donc tout ce que l’on croit être extérieur au monde appartient au monde. L’existence comprend toujours une localisation. L’existence signifie que quelque chose apparaît dans un champ de sens. La question se formule donc ainsi : si le monde existe, dans quel champ de sens surgit-il ?

Prenons pour exemple le champ visuel. Dans cet espace, on ne voit jamais le champ visuel lui-même, mais uniquement des objets visibles : la voisine, le café, la lune ou le coucher du soleil. On pourrait à la limite essayer de représenter picturalement le champ visuel : si j’avais le talent de peindre très exactement le champ visuel que j’ai sous les yeux, je verrais dans ma peinture le tableau de mon champ visuel. Il en va de même pour le monde : chaque fois que nous croyons l’avoir saisi, nous n’avons sous les yeux qu’une copie ou une image du monde. Nous ne pouvons pas comprendre le monde lui-même parce qu’il n’y a pas de champ de sens auquel il appartient. Le monde n’apparaît pas sur le théâtre du monde, il ne donne pas de représentation et il ne se présente pas à nous.

Markus GABRIEL, Pourquoi le monde n’existe pas (2013), pp.98, 100-101

Markus Gabriel explique sa thèse dans Les nouveaux chemins de la connaissance sur France Culture :

https://www.franceculture.fr/player/export-reecouter?content=d7461b81-7986-11e5-8e9e-005056a87c89

Lewis : Existe-t-il d’autres mondes ?

Y a-t-il d’autres mondes qui sont d’autres manières ? Je prétends qu’il y en a. Je défends la thèse de la pluralité des mondes, ou réalisme modal, au regard de laquelle notre monde n’est qu’un monde parmi beaucoup d’autres. Il y a d’innombrables autres mondes, d’innombrables autres choses très inclusives. Notre monde est constitué de nous et de tout ce qui nous entoure, quel qu’en soit l’éloignement dans le temps et dans l’espace ; de la même façon qu’il est une vaste chose constituée de parties plus petites, les autres mondes sont également constitués de parties alter-mondaines plus petites. Les mondes sont semblables aux planètes lointaines, à ceci près que la plupart d’entre eux sont bien plus grands que de simples planètes, et qu’ils ne sont ni lointains, ni proches. Aucune distance spatiale ne les sépare d’ici, et ils ne sont ni éloignés, ni proches dans le passé ou le futur. Aucune distance temporelle ne les sépare du temps présent. Ils sont isolés : il n’y a absolument aucune relation spatio-temporelle entre les choses qui appartiennent à différents mondes. Ce qui arrive dans un monde n’est pas plus la cause de ce qui arrive dans un autre.

Les mondes sont nombreux et variés. Il en existe suffisamment pour fournir des mondes où (approximativement parlant) je finis [ce livre] à temps, où je n’existe pas, où absolument personne n’existe, où les constantes physiques n’autorisent aucune vie, où des lois entièrement différentes gouvernent les actions de particules étrangères possédant des propriétés étrangères. Il y a tant d’autres mondes, en fait, qu’absolument chaque manière possible dont un monde pourrait être est une manière dont quelque monde est.

David LEWIS, De la pluralité des mondes (1986), 1, pp.16-17

Extraits du documentaire de Brian Greene “La magie du cosmos, 4. Univers ou multivers ?”

https://youtu.be/R3jhna2d2uA?t=2m29s

https://youtu.be/R3jhna2d2uA?t=42m8s