Sartre : Désirons-nous un objet pour le posséder ou pour le détruire ?

Posséder une bicyclette, c’est pouvoir d’abord la regarder, puis la toucher. Mais toucher se révèle de soi-même comme insuffisant ; ce qu’il faut, c’est pouvoir monter dessus pour faire une promenade. Mais cette promenade gratuite est elle-même insuffisante : il faudrait utiliser la bicyclette pour faire des courses. Et cela nous renvoie à des utilisations plus longues, plus complètes, à de longs voyages à travers la France. Finalement, il suffit de tendre un billet de banque pour que la bicyclette m’appartienne mais il faudra ma vie entière pour réaliser cette possession : la possession est une entreprise que la mort rend toujours inachevée. En soi, l’appropriation n’a rien de concret. Ce n’est pas une activité réelle (comme manger, boire, dormir, etc.) ; elle n’existe au contraire qu’à titre de symbole, c’est son  symbolisme qui lui donne sa signification, sa cohésion, son existence. On ne saurait donc trouver en elle une jouissance positive en dehors de sa valeur symbolique ; c’est précisément la reconnaissance de l’impossibilité qu’il y a à posséder un objet, qui entraîne pour le [sujet] une violente envie de le détruire.  Utiliser, c’est user. En usant de ma bicyclette, je l’use, c’est-à-dire que la création continuée appropriative se marque par une destruction partielle. Cette usure peut peiner, pour des raisons strictement utilitaires, mais, dans la plupart des cas, elle cause une joie secrète, presque une jouissance : c’est qu’elle vient de nous ; nous consommons.

SARTRE, L’être et le néant (1943), IV, II, 2, pp. 638-639

Questions :

  • Pourquoi ne puis-je jamais totalement posséder un objet ?
  • Pourquoi l’action de détruire partiellement l’objet cause-t-elle “une joie secrète” ?

Schopenhauer : Le désir amoureux est-il au service de l’individu ?

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MAGRITTE, Les amants II (1928)

Manifestement le soin avec lequel un insecte recherche telle fleur, ou tel fruit, ou tel fumier, ou telle viande, ou, comme l’ichneumon, une larve étrangère pour y déposer ses oeufs, est très analogue à celui avec lequel l’homme choisit pour la satisfaction de l’instinct sexuel une femme d’une nature déterminée, adaptée à la sienne, et qu’il recherche si ardemment que souvent pour atteindre son but, et au mépris de tout bon sens, il sacrifie le bonheur de sa vie par un mariage insensé, par des intrigues qui lui coûtent fortune, honneur et vie, même par des crimes comme l’adultère et le viol, – tout cela uniquement pour servir l’espèce de la manière la plus appropriée et conformément à la volonté partout souveraine de la nature, même si c’est au détriment de l’individu. (…). Aussi, comme pour tout instinct, la vérité prend ici la forme de l’illusion, afin d’agir sur sa volonté. C’est un mirage voluptueux qui leurre l’homme, en lui faisant croire qu’il trouvera dans les bras d’une femme dont la beauté lui agrée, une jouissance plus grande que dans ceux d’une autre ; ou le convainc fermement que la possession d’un individu unique, auquel il aspire exclusivement, lui apportera le bonheur suprême. Il s’imagine alors qu’il consacre tous ses efforts et tous ses sacrifices à son plaisir personnel, alors que tout cela n’a lieu que pour conserver le type normal de l’espèce, ou même pour amener à l’existence une individualité tout à fait déterminée, qui ne peut naître que de ces parents-là.

SCHOPENHAUER, Métaphysique de l’amour (1819), pp.52-53

Questions :

  • L’amour obéit-il plutôt à un instinct biologique ou à une aspiration individuelle ?
  • Pourquoi le sentiment amoureux est-il aussi, d’une certaine façon, au service de l’espèce humaine ?
  • En quoi le désir amoureux est-il en grande partie illusoire selon Schopenhauer ?

Platon : Peut-on vivre sans désirer ? Le mythe de l’androgyne

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Si le désir ne se réduit pas à un besoin vital, cela signifie-t-il que nous pourrions vivre sans éprouver le moindre désir ?

Ce court-métrage réalisé par Pascal Szidon propose une adaptation du texte où le personnage d’Aristophane raconte le mythe de l’androgyne :

« Jadis notre nature n’était pas ce qu’elle est actuellement. D’abord il y avait trois espèces d’hommes, et non deux comme aujourd’hui : le mâle, la femelle, et en plus de ces deux-là, une troisième composée des deux autres ; le nom seul en reste aujourd’hui, l’espèce a disparu. c’était l’espèce androgyne qui avait la forme et le nom des deux autres, dont elle était formée. De plus chaque homme était de forme ronde sur une seule tête, quatre oreilles, deux organes de la génération, et tout le reste à l’avenant. […]

Ils étaient aussi d’une force et d’une vigueur extraordinaire, et comme ils étaient d’un grand courage, ils attaquèrent les dieux et […] tentèrent d’escalader le ciel […] Alors Zeus délibéra avec les autres dieux sur le parti à prendre. Le cas était embarrassant ; ils ne pouvaient se décider à tuer les hommes et à détruire la race humaine à coups de tonnerre, comme ils avaient tué les géants ; car c’était mettre fin aux hommages et au culte que les hommes leur rendaient ; d’un autre côté, ils ne pouvaient plus tolérer leur impudence.

Enfin, Zeus ayant trouvé, non sans difficulté, une solution, […] il coupa les hommes en deux. Or, quand le corps eut été ainsi divisé, chacun, regrettant sa moitié, allait à elle ; et s’embrassant et s’enlaçant les uns les autres avec le désir de se fondre ensemble […]

C’est de ce moment que date l’amour inné des êtres humains les uns pour les autres : l’amour recompose l’ancienne nature, s’efforce de fondre deux êtres en un seul, et de guérir la nature humaine. […] Notre espèce ne saurait être heureuse qu’à une condition, c’est de réaliser son désir amoureux, de rencontre chacun l’être qui est notre moitié, et de revenir ainsi à notre nature première. »

PLATON, Le Banquet 189d-191d

Questions :

  • Selon ce mythe, à quel manque répond le désir amoureux ?
  • Le désir amoureux peut-il être définitivement comblé ?
  • Même s’il n’a pas de valeur scientifique, ce mythe nous apprend-il une forme de vérité ?

Schopenhauer : Faut-il avoir des opinions pour penser par soi-même ?

Ce qu’on qualifie commune est, à bien l’examiner, l’opinion de deux ou trois personnes ; et c’est de quoi nous pourrions nous convaincre si nous pouvions seulement observer la manière dont naît une pareille opinion commune. Nous découvririons alors que ce sont deux ou trois personnes qui ont commencé à l’admettre ou à l’affirmer, et auxquelles on a fait la politesse de croire qu’ils l’avaient examinée à fond ; préjugeant de la compétence de ceux-ci, quelques autres se sont mis à admettre également cette opinion ; un grand nombre d’autres gens se sont mis à leur tour à croire ces premiers, car leur paresse intellectuelle les poussait à croire de prime abord, plutôt que de commencer par se donner la peine d’un examen. C’est ainsi que, de jour en jour, le nombre de tels partisans paresseux et crédules d’une opinion s’est accru ; car une fois que l’opinion avait derrière elle un bon nombre de voix, les générations suivantes ont supposé qu’elle n’avait pu les acquérir que par la justesse de ses arguments. Les derniers douteurs ont désormais été contraints de ne pas mettre en doute ce qui était généralement admis, sous peine de passer pour des esprits inquiets, en révolte contre des opinions universellement admises, et des impertinents qui se croyaient plus malins que tout le monde. Dès lors, l’approbation devenait un devoir. Désormais, le petit nombre de ceux qui sont doués de sens critique sont forcés de se taire ; et ceux qui ont droit à la parole sont ceux qui, totalement incapables de se former des opinions propres et un jugement propre, ne sont que l’écho des opinions d’autrui : ils n’en sont que plus ardents et plus intolérants à les défendre. Car ce qu’ils détestent chez celui qui pense autrement, ce n’est pas tant l’opinion différente qu’il affirme, mais l’outrecuidance de vouloir juger par lui-même ; ce qu’eux ne risquent jamais, et ils le savent, mais sans l’avouer. Bref : rares sont ceux qui qui peuvent penser, mais tous veulent avoir des opinions, et que leur reste-t-il d’autre que de les emprunter toutes cuites à autrui, au lieu de se les former eux-mêmes ?

SCHOPENHAUER, L’art d’avoir toujours raison (1831), pp.48-49

Platon : L’opinion est-elle un obstacle à la science ?

Citation

SOCRATE : Si quelqu’un, connaissant la route qui conduit à Larisse, ou à tout autre lieu que tu veux, s’y rendait et y conduisait d’autres personnes, ne le ferait-il pas d’une façon qui soit juste et bonne ?

MENON : Oui, absolument.

SOCRATE : Mais qu’en serait-il de l’homme qui aurait une opinion correcte sur la route à prendre, sans pourtant être allé à Larisse ni connaître la route pour s’y rendre, cet homme-là, ne pourrait-il pas lui aussi être un bon guide ?

MÉNON : Oui, parfaitement.

SOCRATE : En tout cas, aussi longtemps qu’il a une opinion correcte sur la même chose dont l’autre a une connaissance, il ne sera pas un moins bon guide, lui qui a une opinion vraie, même si cette opinion est dépourvue de raison.

MÉNON : Non, en effet.

SOCRATE : Donc, une opinion vraie n’est pas un moins bon guide, pour la rectitude de l’action, que la raison. (…) L’opinion droite n’est donc en rien moins utile que la science.

MÉNON : A ceci près, Socrate, que l’homme qui possède la connaissance réussira toujours, tandis que celui qui a une opinion correcte, tantôt réussira, tantôt non.

SOCRATE : Que veux-tu dire ? L’homme qui a une opinion correcte, ne réussira-t-il pas tout le temps, aussi longtemps qu’il conçoit des opinions correctes ?

MÉNON : Cela me paraît nécessaire. Alors je m’étonne, Socrate, s’il en est ainsi, du fait que la connaissance ait beaucoup plus de valeur que l’opinion droite, et je me demande aussi pour quelle raison on les distingue l’une de l’autre ! (…)

SOCRATE : Car, vois-tu, les opinions vraies, aussi longtemps qu’elles demeurent en place, sont une belle chose et tous les ouvrages qu’elles produisent sont bons. Mais ces opinions ne consentent pas à rester longtemps en place, plutôt cherchent-elles à s’enfuir de l’âme humaine ; elles ne valent donc pas grand-chose tant qu’on ne les a pas reliées par un raisonnement qui en donne l’explication. (…) Mais dès que les opinions ont été ainsi reliées, d’abord elles deviennent des connaissances, et ensuite elles restent à leur place. Voilà précisément la raison pour laquelle la connaissance est plus précieuse que l’opinion droite, et sache que la science diffère de l’opinion vraie en ce que la connaissance est lien.

PLATON, Ménon, 97a-98a

Questions de compréhension :

  • Quels sont les deux guides comparés par Socrate dans ce texte ? Distinguez-les clairement.
  • Lequel des deux est le meilleur guide ? Justifiez.
  • Selon Platon, toutes les opinions sont-elles fausses ?

Bachelard : L’opinion est-elle un obstacle à la science ?

Citation

La science, dans son besoin d’achèvement comme dans son principe, s’oppose absolument à l’opinion. S’il lui arrive, sur un point particulier, de légitimer l’opinion, c’est pour d’autres raisons que celles qui fondent l’opinion ; de sorte que l’opinion a, en droit, toujours tort. Continuer la lecture

Alain : Qui pense dans l’opinion ?

Chacun a pu remarquer, au sujet des opinions communes, que chacun les subit et que personne ne les forme. Un citoyen, même avisé et énergique quand il n’a à conduire que son propre destin, en vient naturellement et par une espèce de sagesse à rechercher quelle est l’opinion dominante au sujet des affaires publiques. “Car, se dit-il, comme je n’ai ni la prétention ni le pouvoir de gouverner à moi tout seul, il faut que je m’attende à être conduit; à faire ce qu’on fera, à penser ce qu’on pensera.” Remarquez que tous raisonnent de même, et de bonne foi. Chacun a bien peut-être une opinion ; mais c’est à peine s’il se la formule à lui-même ; il rougit à la seule pensée qu’il pourrait être seul de son avis.
Le voilà donc qui honnêtement écoute les orateurs, lit les journaux, enfin se met à la recherche de cet être fantastique que l’on appelle l’opinion publique. “La question n’est pas de savoir si je veux ou non faire la guerre.” Il interroge donc le pays. Et tous les citoyens interrogent le pays, au lieu de s’interroger eux-mêmes.
Les gouvernants font de même, et tout aussi naïvement. Car, sentant qu’ils ne peuvent rien tout seuls, ils veulent savoir où ce grand corps va les mener. Et il est vrai que ce grand corps regarde à son tour vers le gouvernement, afin de savoir ce qu’il faut penser et vouloir. Par ce jeu, il n’est point de folle conception qui ne puisse quelque jour s’imposer à tous, sans que personne pourtant l’ait jamais formée de lui-même et par libre réflexion. Bref, les pensées mènent tout, et personne ne pense. D’où il résulte qu’un État formé d’hommes raisonnables peut penser et agir comme un fou. Et ce mal vient originairement de ce que personne n’ose former son opinion par lui-même ni la maintenir énergiquement, en lui d’abord, et devant les autres aussi.

ALAIN, Mars ou la guerre jugée (1921), Chap. LXIX

Clifford : Suis-je libre de croire tout ce qui me plaît ?

Un armateur était sur le point de faire prendre la mer à un bateau chargé d’émigrants. Il savait que ce navire était vieux, et, surtout, qu’il avait de nombreux défauts de construction. Pour ne rien arranger, le bateau avait déjà affronté plusieurs mers houleuses et maintes tempêtes et avait souvent nécessité des réparations. Plusieurs personnes lui avaient fait remarquer qu’il était hors d’état de naviguer. Ces doutes l’inquiétèrent et le mirent mal à l’aise ; il pensa même à le faire réparer et radouber, même si cela devait lui coûter très cher. Mais avant que le navire ne prenne la mer, il réussit à chasser ces sombres pensées, se disant qu’après tout son bateau était toujours revenu à bon port après avoir effectué un grand nombre de traversées et essuyé un nombre incalculable de tempêtes, et qu’il était stupide de penser qu’il ne rentrerait pas au port une fois de plus. Il n’y avait qu’à s’en remettre à la Providence, qui ne pourrait manquer de protéger toutes ces familles malheureuses qui quittaient leur patrie à la recherche de jours meilleurs. Il s’efforça d’écarter de son esprit tout soupçon quant à l’honnêteté des constructeurs et des entrepreneurs, et parvint ainsi à se rassurer et à se convaincre sincèrement que son vaisseau était absolument sûr et en état de naviguer. Il assista donc à son départ le coeur léger, en formulant de pieux souhaits pour le succès des exilés dans le pays lointain qui allait devenir leur patrie – et il encaissa le paiement de la compagnie d’assurances quand son bateau périt en pleine mer sans laisser de traces.

Que dire de cet armateur ? Sûrement qu’il était réellement coupable de la mort de ces personnes. Même si nous admettons qu’il croyait sincèrement à la solidité de son bateau, il reste que la sincérité de sa conviction ne peut en aucune façon le disculper, par qu’il n’avait pas le droit de fonder cette croyance sur les informations qu’il possédait. Il avait acquis cette conviction non pas sur la foi d’une investigation minutieuse, mais en étouffant ses doutes. Et même s’il avait fini par en être si sûr qu’il ne pouvait penser autrement, dans la mesure où il s’est consciemment et volontairement efforcé d’en venir à cet état d’esprit, il doit être tenu pour responsable de cet accident.

William K. CLIFFORD, “L’éthique de la croyance” (1877)

  • Même en étant sincère, l’armateur est-il responsable de l’accident ? Pourquoi ?
  • Expliquez pourquoi Clifford affirme que : “il n’avait pas le droit de fonder cette croyance sur les informations qu’il possédait
  • Appliquez l’argumentation de Clifford a la croyance religieuse : selon vous, le croyant a-t-il le droit de fonder sa croyance sur les informations qu’il possède ? La croyance religieuse peut-elle être considérée comme une croyance raisonnable ?

Gustave Le Bon : La foule est-elle meilleure que l’individu ?

Les foules ne sauraient accomplir d’actes exigeant une intelligence élevée. Les décisions d’intérêt général prises par une assemblée d’hommes distingués, mais de spécialités différentes, ne sont pas sensiblement supérieures aux décisions que prendrait une réunion d’imbéciles. Ils peuvent seulement associer en effet ces qualités médiocres que tout le monde possède. Les foules accumulent non l’intelligence mais la médiocrité. (…)

La première [cause] est que l’individu en foule acquiert, par le fait seul du nombre, un sentiment de puissance invincible lui permettant de céder à des instincts, que, seul, il eût forcément refrénés. Il y cédera d’autant plus volontiers que, la foule étant anonyme, et par conséquent irresponsable, le sentiment de la responsabilité, qui retient toujours les individus, disparaît entièrement.

Une seconde cause, la contagion mentale, intervient également pour déterminer chez les foules la manifestation de caractères spéciaux et en même temps leur orientation. (…) Chez une foule, tout sentiment, tout acte est contagieux, et contagieux à ce point que l’individu sacrifie très facilement son intérêt personnel à l’intérêt collectif. C’est là une aptitude contraire à sa nature, et dont l’homme ne devient guère capable que lorsqu’il fait partie d’une foule. (…)

Donc, évanouissement de la personnalité consciente, prédominance de la personnalité inconsciente, orientation par voie de suggestion et de contagion des sentiments et des idées dans un même sens, tendance à transformer immédiatement en acte les idées suggérées, tels sont les principaux caractères de l’individu en foule. Il n’est plus lui-même, mais un automate que sa volonté est devenue impuissante à guider.

Par le fait seul qu’il fait partie d’une foule, l’homme descend donc plusieurs degrés sur l’échelle de la civilisation. Isolé, c’était peut-être un individu cultivé, en foule c’est un instinctif, par conséquent un barbare. Il a la spontanéité, la violence, la férocité, et aussi les enthousiasmes et les héroïsmes des êtres primitifs.

Gustave LE BON, Psychologie des foules (1895), I, 1, pp.148-150

Aristote : La multitude est-elle plus intelligente que l’individu ?

Il est possible que de nombreux individus, dont aucun homme n’est vertueux, quand ils s’assemblent soient meilleurs que ceux qui sont meilleurs mais peu nombreux, non pas individuellement, mais collectivement, comme les repas collectifs sont meilleurs que ceux qui sont organisés aux frais d’une seule personne. Au sein d’un grand nombre, en effet, chacun possède une part d’excellence et de prudence, et quand les gens se sont mis ensemble de même que cela donne une sorte d’homme unique aux multiples pieds, aux multiples mains et avec beaucoup d’organes des sens, de même en est-il aussi pour les qualités morales et intellectuelles. C’est aussi pourquoi la multitude est meilleur juge en ce qui concerne les arts et les artistes : en effet, les uns jugent une partie, les autres une autre, et tous jugent le tout.

ARISTOTE, Politiques, 1281b

  • Selon Aristote, comment peut-on passer d’individus non vertueux à une multitude vertueuse ?
  • Quel type de relation s’instaure entre les individus lorsqu’ils sont rassemblés ?
  • Dans quels cas réels trouve-t-on ce type de fonctionnement optimiste ? Est-ce toujours vrai ?