Ah, si grande est la puissance de cet art rhétorique !
SOCRATE : Justement, voilà aussi ce qui m’étonne, Gorgias, et je me demande depuis longtemps de quoi peut bien être fait le pouvoir de la rhétorique. Elle a l’air d’être divine, quand on la voit comme cela, dans toute sa grandeur !
GORGIAS : Ah, si au moins tu savais tout, Socrate, et en particulier que la rhétorique, laquelle contient, pour ainsi dire, toutes les capacités humaines, les maintient toutes sous son contrôle !
Si les hommes avaient le pouvoir d’organiser les circonstances de leur vie au gré de leurs intentions, ou si le hasard leur était toujours favorable, ils ne seraient pas en proie à la superstition. Mais on les voit souvent acculés à une situation si difficile, qu’ils ne savent plus quelle résolution prendre ; en outre, comme leur désir immodéré des faveurs capricieuses du sort les ballotte misérablement entre l’espoir et la crainte, ils sont en général très enclins à la crédulité. Lorsqu’ils se trouvent dans le doute, surtout concernant l’issue d’un événement qui leur tient à cœur, la moindre impulsion les entraîne tantôt d’un côté, tantôt de l’autre ; en revanche, dès qu’ils se sentent sûrs d’eux-mêmes, ils sont vantards et gonflés de vanité. (…)