Il est nécessaire, avant tout, de faire porter l’examen sur notre pouvoir de connaissance, car si la nature ne nous a pas faits capables de connaître, il n’y a plus à poursuivre l’examen de quelque autre chose que ce soit. Pyrrhon d’Élis a soutenu en maître cette thèse. Les choses, dit-il, il les déclare toutes également indifférentes, instables, indécidables. C’est pourquoi ni nos sensations, ni nos opinions ne peuvent ni dire vrai ni se tromper. Par suite, il ne faut pas leur accorder la moindre confiance mais être sans opinion, sans inclination, inébranlable, en disant de chaque chose qu’elle n’est pas plus qu’elle n’est pas, ou qu’elle est et n’est pas, ou qu’elle n’est ni n’est pas. Pour ceux qui se trouvent dans ces dispositions, ce qui en résultera, c’est d’abord l’aphasie, puis l’ataraxie.
TIMON
Pyrrhon d’Elis soutenait qu’il n’y avait ni beau, ni laid, ni juste, ni injuste, que rien n’existe réellement et d’une façon vraie, mais qu’en toute chose les hommes se gouvernent selon la coutume et la loi. Car une chose n’est pas plus ceci que cela. Sa vie justifiait ses théories. Il n’évitait rien, ne se gardait de rien, supportait tout, au besoin d’être heurté par un char, de tomber dans un trou, d’être mordu par des chiens, d’une façon générale ne se fiant en rien à ses sens. Toutefois il était protégé par ses gens qui l’accompagnaient. (…)
Un jour où Anaxarque était tombé dans une mare, Pyrrhon passa à côté de lui sans lui porter secours. Des gens le lui reprochèrent, mais seul Anaxarque le loua d’être réellement indifférent et sans passions
DIOGENE LAËRCE, IX, 61-68
Questions :
- Pourquoi la vie de Pyrrhon semble-t-elle justifier ses théories ?
- Les gens qui accompagnaient Pyrrhon étaient-ils sceptiques ?
- Le sceptique peut-il obéir à des règles morales ? Pourquoi ?