Il est nécessaire tout d’abord que s’unissent les êtres qui ne peuvent exister l’un sans l’autre, par exemple la femme et l’homme en vue de la procréation, et celui qui commande et celui qui est commandé, et ce par nature, en vue de leur mutuelle sauvegarde. En effet, être capable de prévoir par la pensée c’est être maître par nature, alors qu’être capable d’exécuter physiquement ces tâches c’est être destiné à être commandé, c’est-à-dire être esclave par nature. C’est pourquoi la même chose est avantageuse à un maître et à un esclave. (…)
D’une part, la communauté naturelle constituée en vue de la vie de tous les jours, c’est la famille ; d’autre part, la communauté première formée de plusieurs familles en vue de relations qui ne visent plus à satisfaire un besoin qui soit seulement celui de la vie quotidienne, c’est le village. Et la communauté achevée formée de plusieurs villages est une cité dès lors qu’elle a atteint le niveau de l’autarcie pour ainsi dire complète ; s’étant donc constituée pour permettre de vivre, elle permet, une fois qu’elle existe, de mener une vie heureuse. Voilà pourquoi toute cité est naturelle puisque les communautés premières dont elle procède le sont aussi.
Il est manifeste, à partir de cela, que la cité fait partie des choses naturelles, et que l’homme est par nature un animal politique, (…) plus que n’importe quelle abeille et que n’importe quel animal grégaire. Car, comme nous le disons, la nature ne fait rien en vain ; or seul parmi les animaux l’homme a un langage. Certes la voix est le signe du douloureux et de l’agréable, aussi la rencontre-t-on chez les animaux ; leur nature en effet est parvenue jusqu’au point d’éprouver la sensation du douloureux et de l’agréable et de se les signifier mutuellement. Mais le langage existe en vue de manifester l’utile et le nuisible, et par suite aussi le juste et l’injuste. Il n’y a en effet qu’une chose qui soit propre aux hommes par rapport aux animaux : le fait que seuls ils ont la perception du bien et du mal, du juste et de l’injuste et des autres notions de ce genre. Avoir de telles notions en commun, c’est ce qui fait une famille et une cité.
ARISTOTE, Politiques, I, 2, 1252a-1253a
Questions :
- Pourquoi la relation maître / esclave est-elle “avantageuse” pour les deux, selon Aristote ? Justifiez.
- La cité est-elle constituée afin de vivre au jour le jour ou afin de mener une vie heureuse ? Expliquez.
- Quel critère permet aux êtres humains d’être “par nature” des animaux politiques ? Expliquez.
Pour compléter votre compréhension de ce texte, vous pouvez vous appuyer sur la vidéo micro-philo : le fondement naturel du droit selon Aristote.
Ping : micro-philo : le fondement naturel du droit selon Aristote | Atelier philo