Je ne sais si vous avez eu l’impression que la technique dont je viens de vous décrire l’arsenal est particulièrement difficile. Je crois qu’elle est tout à fait appropriée à son objet. Pourtant, cette technique n’est pas évidente d’elle-même ; elle doit être enseignée, comme la méthode histologique ou chirurgicale. Vous serez peut-être étonnés d’apprendre que nous l’avons entendu juger par une quantité de personnes qui ne savent rien de la psychanalyse, qui ne l’emploient pas et qui poussent l’ironie jusqu’à exiger que nous leur prouvions l’exactitude de nos résultats. Il y a certainement, parmi ces adversaires, des gens qui ont l’habitude de la pensée scientifique ; qui, par exemple, ne repousseraient pas les conclusions d’une recherche au microscope parce qu’on ne pourrait pas les confirmer en examinant la préparation anatomique à l’œil nu, et qui, en tout cas, ne se prononceraient pas avant d’avoir considéré eux-mêmes la chose au moyen du microscope. Mais la psychanalyse, il est vrai, est dans une situation spéciale, qui lui rend plus difficile d’obtenir l’approbation. Que veut le psychanalyste, en effet ? Ramener à la surface de la conscience tout ce qui en a été refoulé. Or, chacun de nous a refoulé beaucoup de choses que nous maintenons peut-être avec peine dans notre inconscient. La psychanalyse provoque donc, chez ceux qui en entendent parler, la même résistance qu’elle provoque chez les malades. C’est de là que vient sans doute l’opposition si vive, si instinctive, que notre discipline a le don d’exciter. Cette résistance prend du reste le masque de l’opposition intellectuelle et enfante des arguments analogues à ceux que nous écartons chez nos malades au moyen de la règle psychanalytique fondamentale. Tout comme chez eux, nous pouvons aussi constater chez nos adversaires que leur jugement se laisse fréquemment influencer par des motifs affectifs, d’où leur tendance à la sévérité. La vanité de la conscience, qui repousse si dédaigneusement le rêve par exemple, est un des obstacles les plus sérieux à la pénétration des complexes inconscients ; c’est pourquoi il est si difficile de persuader les hommes de la réalité de l’inconscient et de leur enseigner une nouveauté qui contredit les notions dont s’est accommodée leur conscience.
FREUD, Cinq leçons de psychanalyse (1909), III, §27
Questions :
- Quel type de raisonnement Freud utilise-t-il à propos du microscope ? Reconstituez-le. (§27 l.6-10)
- Selon Freud, la psychanalyse est-elle une science comme les autres ? (§27 l.10-15)
- Peut-on avoir de bonnes raisons de critiquer la psychanalyse ? Expliquez le paradoxe. (§27 l.15-20)
- Que faut-il entendre par “la vanité de la conscience” ? Reformulez l’idée. (§27 l.20)
- Synthèse : Formulez la question posée, la thèse soutenue, et l’idée reçue qu’il remet en question.
Une synthèse orale proposée par Elise & Esther (TL, 2017) :
Une explication orale proposée par Lola, Valérie & Lucas (TESL, 2018) :
Et nous n’étions qu’en 1909… Quelle actualité !
Ping : Lecture suivie : Freud, 3e leçon de psychanalyse (1909) | Atelier philo
Ping : L'inconscient | Atelier philo